• B - Les modes de propulsion

    Le dictionnaire définit la propulsion comme la mise en mouvement d'un corps, obtenue en produisant une force de poussée tout en respectant la 3ème loi de Newton (principe d’action-réaction). Il s’agit de la première problématique d’un voyage vers Mars pour mouvoir la fusée ou le vaisseau.

    Nous allons donc étudier les différents modes de propulsion possibles. Pour chacune, nous expliciterons son principe de fonctionnement, ses avantages et inconvénients, et son utilisation actuelle dans la conquête spatiale.

    1. Propulsion chimique

    Principe de fonctionnement

    Le principe de fonctionnement de la propulsion chimique est d’éjecter du gaz à haute pression par l'intermédiaire d’une tuyère. Ce gaz est formé par la combustion de la masse propre du système (1). On différencie les principaux moteurs à propulsion chimique par le type de propergol utilisé (1). Il existe deux types de carburant pour la propulsion chimique : l’ergol liquide et l’ergol solide (2). Le principe de propulsion reste le même malgré les différents carburants.

    Principe d'action - réaction

    Principe d'action - réaction

    Avantages et inconvénients

    Le principal inconvénient de la propulsion chimique est le fait d'avoir besoin d’une énorme quantité de carburant pour fonctionner. De plus, malgré la forte poussée du moteur, pour une grande quantité de carburant consommé, seule une faible poussée est exercée (3). Le “carburant” est en fait du propergol, lui même composé de carburant (ce qui brûle) et comburant (ce qui permet de brûler, comme l'oxygène). L’ergol solide et liquide présentent chacun leurs avantages et leurs inconvénients que nous allons expliciter.

    Tout d’abord, le propergol liquide peut être allumé et éteint à volonté (4).Cela facilite grandement le voyage et permet une poussée “contrôlée” (5) . Ensuite, le carburant s’enflamme rapidement, il est donc hypergolique (4), ce qui permet une préparation moins longue pour le départ (6). La poussée engendrée par la combustion de propergol liquide est supérieure à celle obtenue par la combustion du propergol solide (6). Enfin, le propergol liquide peut se stocker à température ambiante ce qui réduit le problème de stockage (4).

    Malheureusement le propergol liquide présente aussi des inconvénients. La conception d’un moteur à propergol liquide est complexe et très coûteuse; de plus,  l’utilisation de certains couples (carburant-comburant) est  dangereux pour l’environnement et pour la santé (5).

    Quant au propergol solide, il doit être placé dans une “pâte” dans le corps du propulseur en blocs solides (7). Tout comme le propergol liquide, le propergol solide détient une poussée très forte (7), et peut se conserver sans problème pendant de nombreuses années (7). Mais le moteur à propergol solide ne peut être allumé qu’ une seule fois et ne peut être éteint par la suite. C’est pourquoi les contrôles avant le démarrage sont plus longs et complexes (8). De plus, le moteur a un coût élevé de production (9).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    Aujourd’hui, la propulsion chimique est le système de propulsion le plus utilisé par les fusées.Ce type de propulsion est surtout utilisé durant le décollage pour sortir de l’attraction  terrestre (6) car c’est le seul système pouvant sortir de la gravité terrestre (3).

    Les moteurs à propergol liquide ont été utilisés par les fusées Ariane V en 1996 par la NASA mais aussi par la fusée chinoise Chang-Zheng en 1496 et par la Russie / URSS dans la fusée Proton en 1965.

    Pour les moteurs à propergol solide, nous avons l’exemple de la fusée Pegasus qui en utilisait en 1990.

    Propulsion chimique - Ergol liquide ou solide

    Propulsion chimique - Ergol liquide ou solide

    2. Propulsion nucléaire

    2.1. Propulsion nucléaire thermique

    Principe de fonctionnement

    La propulsion nucléaire thermique ou nucléo-thermique fonctionne suivant le même principe que la propulsion chimique, c’est-à-dire par l’expulsion via une tuyère d’un fluide propulsif, qui provoque une poussée. Cependant, plutôt que d’être issu d’une réaction chimique de combustion, le fluide est ici de l’hydrogène liquide chauffé à très hautes températures au moyen d’un réacteur nucléaire.

    Ce réacteur nucléaire peut se composer d’un cœur solide (comme les centrales nucléaires),  ou d’un cœur liquide (qui peut fonctionner à des températures encore plus extrêmes) ou encore d’un cœur gazeux (plus complexe mais plus efficace) (1) (2).

    Un moteur nulcéaire thermique

    Un moteur nucléaire thermique

    Avantages et inconvénients

    Un des avantages de la propulsion nucléaire thermique est la connaissance technique actuelle  dans le domaine du nucléaire et la maîtrise des réacteurs à fission, tels que ceux utilisés dans les centrales sur Terre. Sa poussée est deux fois supérieure à celle d’un moteur chimique (6) ce qui le rend plus performant. De plus, il pourrait exercer cette poussée avec deux fois moins de carburant qu’un moteur chimique (5). Enfin, des réservoirs d'hydrogène liquide sont moins lourds que des réservoirs d’ergol (6).

    Mais vous vous doutez bien que ce type de propulsion n’a pas que des avantages. Tout d’abord, cette propulsion nécessite un réacteur très lourd qui réduit donc considérablement son efficacité (1). La force de poussée générée ainsi que l’impulsion spécifique dépendent principalement de la capacité du moteur à soutenir des températures et des pressions extrêmement élevées, non pas sur quelques minutes comme dans les moteurs chimiques, mais durant plusieurs heures (7). De plus, les produits éjectés par la tuyère sont hautement radioactifs ; les répercussions sur l’environnement seraient donc désastreuses si on utilisait ce type de moteur pour décoller depuis la surface terrestre (1) (5).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    Aujourd’hui, aucun vaisseau utilisant la propulsion nucléaire thermique n’a encore jamais décollé malgré les essais des Etats-Unis avec le moteur NERVA. Mais le coût d’une telle technologie ainsi que les risques environnementaux ont mis fin au soutien de projets nucléaires thermiques (2).

    Dans les années 1960, le physicien Robert W. Bussard lance  un projet nommé “projet Ramjet”. II consiste à créer un vaisseau fonctionnant à l’aide d’une propulsion nucléaire thermique, basée sur la fusion d’atomes d’hydrogène. De plus, la construction d’un champ magnétique (nommé “collecteur Bussard”) de plusieurs centaines de kilomètres de large permettrait la récolte sur son passage des atomes d'hydrogène présents dans l’univers (8) ; il y a dans l’espace 1 atome d’hydrogène tous les 10 cm cube environ (8). Ensuite, à l’aide de lasers, le vaisseau ionise les atomes d'hydrogène et les envoie dans le moteur grâce à un “ram scoop” (un collecteur électromagnétique). Une fois dans le moteur, ils servent de carburant au vaisseau. Cela lui permettrait théoriquement d’atteindre un vitesse proche de la celle de la lumière, puisque capable d’accélérer sur de très longues périodes, n’étant plus limité par le carburant emporté lors du décollage (9).

    Le vaisseau Ramjet serait donc extrêmement léger car il n’a pas besoin de carburant, ce qui enlève 95% de sa masse totale (8). Il est aussi le vaisseau le plus rapide jamais étudié (8). Cependant Ramjet est aussi un des vaisseaux les plus complexes (8). De plus, la propulsion du vaisseau dépend entièrement de l'hydrogène présent dans l'espace; donc, si durant le trajet il n’y a plus d'hydrogène, le vaisseau n’aura plus de propulsion (4). Enfin, la vitesse initiale des atomes d'hydrogène ralentirait le vaisseau lors de leur collision avec le collecteur Bussard (9).

    La mise au point d’un tel vaisseau soulève des problèmes énergétiques, économiques et de ressources naturelles, qui dépassent de loin ce que l’Homme détient aujourd’hui (9).

    2.2. Propulsion nucléaire pulsée

    Principe de fonctionnement

    Le vaisseau fait exploser de multiples bombes nucléaires derrière lui ; le souffle de ces explosions engendre la propulsion (1).

    Avantages et inconvénients

    La vitesse atteinte par le vaisseau serait d’environ 8 à 10 % de la vitesse de la lumière, ce qui pourrait l’emmener sur Mars en 1 mois et demi seulement. La NASA affirme qu’aujourd’hui le voyage Terre-Mars avec notre technologie actuelle prendrait 6 à 9 mois (1).

    Mais le danger pour les astronautes dans le vaisseau nucléaire est immense à cause des radiations engendrées par les explosions (1). De plus, pour ne pas contaminer la Terre de radiations nucléaires, un décollage à l’aide d’un moteur chimique est obligatoire (1).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    Le projet Orion est le seul projet ayant recours à cette méthode de propulsion. Des essais devaient être mis en place mais les radiations causées par les milliers d’explosions nucléaires avaient trop de répercussions sur l’environnement et sur la santé (2). De plus, la loi de 1963 interdit les essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'extra atmosphère et sous l’eau (3). Cette loi mit fin au projet Orion.

    Vidéo d'essais du projet Orion

    2.3. Propulsion nucléaire par fragments de fission

    Principe de fonctionnement

    La propulsion par fragments de fission exploite directement l’énergie cinétique des atomes fissionnés plutôt que la chaleur produite par une réaction nucléaire (1) (4). Les nucléides générés par fissions sont fortement ionisés, ce qui permet de les canaliser par un champ magnétique pour produire une poussée. Ces nucléides pourraient être éjectés à des vitesses proches de 12.000 km/s (2) (3).

    Schéma d'un propulseur à fragments de fission

    Schéma d'un propulseur à fragments de fission

    Avantages et inconvénients

    Outre la possibilité de générer des impulsions spécifiques plus importantes qu’avec les autres types de propulsions nucléaires, la propulsion par fragments de fission nécessite des températures structurelles et des pressions de fonctionnement bien moindres (4).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    La propulsion par fragments de fission est actuellement à l’état de concept ; de nombreuses questions demeurent, et nécessitent encore des recherches et essais (4).

    L’Agence Spatiale Italienne, ASI, a financé le “Projet 242” entre 1999 et 2002, pour étudier ce nouveau concept, qui pourrait permettre des missions habitées sur Mars durant moins d’un an (5).

    3. Propulsion ionique

    Principe de fonctionnement

    Le moteur ionique, également appelé moteur plasmique, utilise un gaz comprimé, généralement du Xénon (4), qui est détendu dans une chambre d'ionisation. Un premier canon à électrons tire sur les atomes de gaz pour leur arracher des électrons. Le gaz est alors ionisé positivement ; ce mélange d’ions positifs et d’électrons est appelé plasma. On accélère ensuite ces ions en les faisant traverser deux grilles chargées respectivement positivement et négativement ; les ions subissent alors à la fois la répulsion de la première et l’attraction de la seconde. Enfin, un second canon à électrons rend des électrons aux ions de gaz afin d'éviter que ces derniers ne soient de nouveau attirés par la grille négative. L'ensemble redevient électriquement neutre et est expulsé à une vitesse de 35 km par seconde (1) (2) (3) (5).

    Schéma d'un moteur ionique

    Schéma d'un moteur ionique

    Avantages et inconvénients

    Les moteurs ioniques présentent deux avantages majeurs. Le premier est la très faible quantité de carburant nécessaire à leurs fonctionnements (1) et de grandes impulsions spécifiques : 5000 à 25 000 s. Quelques grammes par jour suffisent. Le deuxième est la possibilité qu’ils offrent d’être allumés ou éteints à volonté.

    Cependant, les deux grilles, les canons à électrons et le système d’injection du gaz, nécessitent une grande quantité d’énergie électrique. De grands panneaux solaires peuvent fournir de l’énergie en continu durant un voyage spatial, mais limitent la création de moteurs ne produisant qu’une poussée de quelques dixièmes de newtons seulement, ce qui équivaut à un souffle humain sur une main à 20cm (2).

    De plus, les moteurs ioniques ne peuvent fonctionner correctement que dans le vide sidéral. Leur faible poussée et cette nécessité de vide les rendent impropres pour décoller de la surface terrestre (3).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    La sonde DeepSpace 1, lancée en 1998 par la Nasa a été la première à tester la propulsion ionique. Avec 81.5 kg de carburant, elle a augmenté sa vitesse de 4.5 km/s, soit 16 200 km / h (6).

    Les moteurs à ions sont actuellement utilisés par des satellites, qui nécessitent des corrections de trajectoire régulières (en particulier les satellites géostationnaires), tel que le satellite audiovisuel européen Astra 2A (6).

    Dernièrement, la sonde Dawn, lancée par la Nasa en 2007 à destination de la ceinture d’astéroride, est équipée de moteurs ioniques qui l’accélèrent de plus de 10km/s sur l’ensemble du trajet en consommant moins de 400 kg de Xenon, soit 30% de sa masse (7).

    Actuellement, la NASA travaille au développement d’un moteur à ions qui sera alimenté en énergie grâce à un réacteur nucléaire. Cela rendrait l’utilisation du moteur à ions possible pour les vols spatiaux à si grande distance du Soleil que des panneaux solaires ne pourraient plus fournir assez d’énergie solaire.

    Enfin, le projet VASMIR (Acronyme en anglais de VAriable Specific Impulse Magnetoplasma Rocket) étudie la possibilité de créer un moteur plasmique utilisant des champs et rayonnements magnétiques pour chauffer, ioniser et accélérer de l’hydrogène, de l'argon ou de hélium. Il devrait permettre de faire varier l’impulsion spécifique et la poussée à puissance constante en faisant varier les champs magnétiques. La Nasa prévoit de démontrer la faisabilité d’un tel moteur courant 2018 en faisant fonctionner un moteur durant 100 h avec une puissance de 100 Kilowatt (9).

    Schéma d'un propulseur VASMIR

    Schéma d'un propulseur VASMIR

    4. Propulsions “naturelles”

    4.1. Propulsion par voile solaire

    Principe de fonctionnement

    La voile solaire fonctionne grâce à la pression exercée par les photons solaires sur la voile convertie en mouvement (1), ce qui entraîne une poussée de 0.1g, mais c’est suffisant car dans l'espace aucun frottement n’a lieu (2). Deux techniques d’ouverture sont identifiées. La première est entreprise par L’Garde (Californie) qui consiste en plusieurs mâts gonflables qui se solidifient à -35° (1).La seconde est mise en oeuvre par ATK (Californie): le principe est que la voile tourne pour se déployer autour d’un axe central ou elle est initialement enroulée (1).

    Avantages et inconvénients

    Tout d’abord, la voile solaire fonctionne sans carburant. Cela signifie que le vaisseau sera beaucoup plus léger (3). De plus, l'énergie fournie par les photons lors de la collision contre la voile permettra une poussée faible mais continue (2).

    Malheureusement, cette voile ne peut sortir seule de l’attraction terrestre (4).De plus, si la voile ne capte plus de photons solaires, la voile ne créera plus de propulsion (1).Enfin, la voile se dégrade avec le temps (5).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    Aujourd’hui, des expériences sont faites par l’In-Space Propulsion afin de tester des voiles de 20m de long et 40 à 100 fois plus fines que du papier (1). De plus, ce système de propulsion a déjà fait ses preuves avec la voile IKAROS façonnée par l’agence japonaise JAXA en 2010 (6).

    La voile solaire Ikaros

    La voile solaire Ikaros

    4.2. Propulsion par fronde gravitationnelle

    Principe de fonctionnement

    La fronde gravitationnelle ou assistance gravitationnelle n’est pas réellement un mode de propulsion. Mais on s'en sert afin d'économiser du carburant (1). Le principe est le suivant: la fronde entre dans l’attraction d’un corps céleste et gagne en vitesse grâce au mouvement cinétique (2).

    Fronde gravitationnelle

    Fronde gravitationnelle

    Avantages et inconvénients

    L'énorme avantage de cette méthode est qu'elle ne nécessite pas de carburant (3). De plus, elle permet de gagner de la vitesse et de modifier la trajectoire (4).

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    Aujourd’hui, toutes les sondes ont recours à cette méthode mais pour l’instant l’assistance gravitationnelle n’a été testée qu'avec des sondes (2), comme par exemple la sonde Mariner 10 avec Venus et Mercure.

    Voyage de la sonde Mariner 10

    Voyage de la sonde Mariner 10

    5. L’EM Drive

    Principe de fonctionnement

    L’EM Drive, propulseur à cavité résonante électromagnétique asymétrique, fonctionne en mettant en résonance des micro-ondes dans une cavité fermée en forme de cône tronqué. Les ondes se réfléchissent sur les deux faces opposées, une petite et une grande. Il apparaîtrait alors une faible poussée du côté de la petite surface (1) (2).

    Ce concept, énoncé en 2001 par Roger Shawyer, est cependant en contradiction avec la conservation de la quantité de mouvement de Newton. L’appareil n’éjecte aucune masse, n’émet aucune radiation, mais subit tout de même une poussée…

    Etat de l’art, utilisation actuelle

    La réalité de la poussée générée par un EM Drive est débattue par la communauté scientifique qui ne parvient pas aujourd’hui à en expliquer la nature physique.

    Cependant, l’idée de pouvoir avoir un vaisseau propulsé sans carburant fait rêver ! La Nasa effectue donc des recherches sur ce type de propulsion. Actuellement, une poussée a été constatée, mais le système observé était-il réellement isolé ? La réponse n’est pas disponible à ce jour et plusieurs théories s'affrontent pour potentiellement expliquer le phénomène (3).

    Moteur EM Drive

    Moteur EM Drive

     


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